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Guillaume PREVOST

Délégué général de VersLeHaut, le think tank dédié aux jeunes et à l’éducation.

L’Ecole de la philanthropie est en échange constant avec les acteurs de l’éducation en France. Nous avons eu la chance d’interviewer Guillaume Prévost, délégué général de VersLeHaut, sur sa vision de l’éducation aujourd’hui. Dans l’éducation à la philanthropie, il voit une éducation à la relation dans laquelle l’enfant occupe un véritable rôle actif, au même titre que ses éducateurs et enseignants.

Quel est le défi éducatif majeur aujourd’hui ?

Au risque d’être un peu provocateur, je dirais que le défi éducatif majeur aujourd’hui est de déscolariser l’éducation.  

Si l’école doit rester centrale, les enfants et leur famille doivent être mieux accompagnés dans la façon dont ils construisent leur projet et leur parcours, qui s’est profondément transformée.

De ce point de vue, les enseignants sont de plus en plus confrontés à un ensemble de dimensions qui touchent au développement de la personne, pour lesquelles ils ne sont pas forcément armés : développement de la confiance en soi, découverte des métiers, lien avec l’entreprise, construction du réseau.

L’école telle qu’elle existe aujourd’hui est en effet construite sur le face-à-face entre l’élève et l’enseignant, détenteur d’un savoir qu’il est chargé de transmettre. L’histoire de l’école va dans le sens d’une extension progressive de ce face-à-face. Conçue pour façonner, pour normer, pour sélectionner, l’école a des difficultés structurelles à se mettre à hauteur de la personne. C’est là le défi majeur, tout comme d’accompagner les enseignants dans cette démarche.

Mais alors, comment penser l’inclusion à l’école ?

L’éducation (« sortir de » en latin) a longtemps servi à une minorité : la question de l’inclusion ne se posait alors pas dans le système scolaire tel qu’il existait. L’inclusion aujourd’hui, au-delà de la seule question du handicap, c’est aller chercher les enfants là où ils sont (avec leur identité, leurs difficultés, leurs émotions, leur confiance en eux, leur famille).

Dans ce cadre, que signifie l’ambition d’une réussite pour tous ? Si réussir, c’est faire du calcul intégral, ce n’est pas forcément adapté à tous les enfants. On ne peut pas aborder la question de l’éducation uniquement par le prisme des apprentissages académiques.

On doit se reposer la question des fins : quel est le but de l’éducation ? Globalement, c’est d’abord répondre aux besoins des enfants, identifier un socle de compétences que les enfants doivent avoir et qui ne se confond pas aux seuls lire, écrire et compter : parler, coopérer, maîtriser ses émotions, prendre sa place dans un groupe, manger correctement, appréhender la différence des sexes, appréhender les enjeux du développement durable. Cette compréhension des besoins de la société, de nos enfants, et de leurs parcours doit nous amener à repenser l’objet école.

Une école ouverte sur le monde

A l’image de la division scientifique du travail, l’école de la civilisation industrielle a spécifié et séparé les tâches autour de l’éducation, d’où la trop fameuse opposition entre instruction et éducation, qui ne me semble pas pertinente au regard des besoins des enfants aujourd’hui.

Pour que l’école puisse remplir sa mission, celle d’accompagner l’enfant dans la construction de sa vie, il faut favoriser une plus grande continuité entre toutes les dimensions de l’action éducative et entre les différents éducateurs chargés successivement de l’enfant : école, activités artistiques, sportives et culturelles, familles. C’est ce que l’on désigne aujourd’hui de continuum éducatif.

Il est primordial d’ouvrir l’école comme un terrain où se rencontrent l’ensemble des éducateurs autour des besoins des enfants. Concrètement, comment multiplier les interventions extérieures en classes, comment dépasser l’aspect un peu soliste du métier d’enseignant pour en faire un vrai chef d’orchestre, comment donner les moyens aux équipes éducatives de nouer des partenariats locaux correspondant à leur projet plutôt que d’imposer une « innovation pédagogique » descendante ?

En quoi l’éducation à et par la philanthropie peut y répondre ?

Je vois d’abord l’éducation à la philanthropie comme une éducation à la relation.

L’éducation est d’abord fondée sur un rapport à soi-même et aux autres. De ce point de vue, l’enfant n’est pas seulement objet dans la relation éducative, il est aussi sujet et éducateur au même titre que l’enseignant. Pas de la même façon, évidemment, tout ne se vaut pas, mais il est sujet dans sa relation aux apprentissages, au sens qu’il peut leur donner, il est également sujet dans sa relation avec ses pairs.

Avec la conduite de projets, le camarade devient lui-même un instrument de communication, de mise en relation avec ses pairs et les différents acteurs qui s’occupent de lui. Avec cette approche plus large, il existe un plus grand continuum entre expérience de vie et de classe.

Le développement des sciences cognitives a montré que le développement du regard sur soi et sur les autres est décisif pour la réussite des apprentissages. Je retiendrais trois dimensions de ce que l’on désigne couramment de compétences psychosociales. Primo, la capacité à donner du sens à ses propres mécanismes mentaux, qu’on désigne souvent de métacognition : que fais-je et en vue de quoi ? Secundo, la confiance en soi, source de motivation et d’implication. Tertio, peut-être le plus décisif, notamment s’agissant des enfants les plus jeunes : la relation aux autres qui sécurise et fournit des modèles.

De ce point de vue, l’éducation à la philanthropie met l’enfant en position d’acteur, de partie prenante du monde qui l’entoure, concrètement. En se mettant en position de service, il expérimente un mode de rencontre avec l’autre, avec les adultes, avec la société, dans lequel il n’est ni passif, ni strictement en position de recevoir. Il est donc également légitime à proposer, à prendre l’initiative, à remettre en cause.

L’école concerne davantage que la maîtrise des connaissances. L’éducation à la relation permet de poser les fondamentaux des apprentissages, ainsi que le soulignait déjà Pauline Kergomard, fondatrice de l’école maternelle à la fin du 19e siècle. La posture adaptée de l’élève, ce que les anglo-saxons désignent de growing mindset, suppose que les enfants réalisent qu’ils sont les personnages principaux de leurs apprentissages.

Et l’éducation par la philanthropie ?

Quand je rends service, je développe mes compétences fondamentales. Rendre service, c’est sortir de sa zone de confort, c’est donner du sens à ce que l’on fait. L’enfant apprend à avoir confiance en soi et dans les autres. Aider, c’est développer les fondamentaux sur lesquels je construis la réussite de mes apprentissages.

Il faut prendre en exemple les pédagogies de remédiation scolaire (SMA, SNU, école de la seconde chance) où l’on prend en charge les enfants en difficulté et où on les amène à rendre service. Ces pédagogies actives, fondées sur le sentiment de sa propre utilité, donnent des résultats très probants avec les décrocheurs. Pourquoi attendre que les jeunes soient déboussolés, en situation de souffrance, avant d’agir ?

Est-ce que changer l’éducation (système éducatif et contenus enseignés), c’est réellement possible ?

C’est mille fois possible pourvu qu’on cesse de faire porter les responsabilités de nos difficultés sur les uns ou les autres : enseignants, familles, jeunes, etc. C’est collectivement que nous pouvons répondre au formidable défi éducatif auquel nous faisons face.

Mais ce collectif suppose de réinvestir la confiance, sans laquelle chacun est rétif à prendre des risques et privilégie son intérêt particulier, au détriment du bien commun. C’est ce que souligne le recul de la mixité dans les établissements et la façon dont nous en sommes venus à naturellement assimiler niveau social et réussite scolaire.

Une société où personne ne se fait confiance ne peut pas fonctionner correctement. Et pour ce faire, il faut privilégier l’initiative, réassurer des parties prenantes singulièrement éprouvées par la succession des crises et des injonctions. Ce n’est qu’à ce prix que l’intérêt particulier et le collectif se rejoindront.

Pour en savoir plus :

Lancé en 2015 avec l’ambition de nourrir le débat public, les décideurs et les acteurs de l’éducation, VersLeHaut est le think tank dédié aux jeunes et à l’éducation.

Hors du champ partisan, VersLeHaut associe à sa réflexion des acteurs de terrain, des jeunes et des familles, des experts et des personnalités de la société civile tout en appuyant son travail sur des études et des recherches scientifiques.

VersLeHaut diffuse des propositions concrètes afin d’élaborer un projet éducatif adapté aux défis de notre temps.

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